La peinture c’est une musique, André Parinaud

LA PEINTURE C’EST UNE MUSIQUE

Le destin d’un peintre avec ses miracles, ses hasards, sa chance, le jeu de la liberté et du déterminisme est le parfait symbole de l’histoire humaine. l’exposition des oeuvres de François Baron-Renouard et là rétrospective qui nous est offerte des destins de son grand-père Paul Renouard, met en évidence la profonde logique qui conduit nos existences. Peintre graveur célèbre en son temps, dessinateur illustre (le grand-père de François avait le rare privilège de détenir la clé de l’Opéra pour y pénétrer à sa guise et il disposait d’un atelier dans ce monument national. Paul Renouard captait, d’un crayon sûr, des arabesques et les pauses des danseuses de ballet, et sa renommée était telle que les têtes couronnées le priaient de venir fixer leurs traits pour la postérité. Puis le long purgatoire qui suit la disparition de l’éphémère des gloires l’a effacé des mémoires. Mais le jeune garçon de six ans dont les yeux émerveillés avaient enregistré les jeux graphiques du grand artiste est à son tour devenu homme. Il a mis ses pas dans ceux de l’ancêtre avec cette obstination de breton qui respire les vents des grandes vérités naturelles. Et dès les Arts Décoratifs, il a rencontré comme par hasard l’évidence de sa carrière en la personne des anciens élèves de son grand-père devenus maîtres à leur tour comme Legueult, Brianchon, Desnoyer ont transmis la leçon, qu’un chainon manquant de la généalogie aurait pu effacer. C’est ainsi, qu’aujourd’hui, Baron-Renouard continue la quête commencée il y a un siècle.

La peinture de Baron-Renouard est chaque fois pour moi l’occasion de contempler cette certitude. Les tableaux sont des miroirs de la logique irrationnelle qui mène nos vies.

CE~r, que seraient ces paysages virtuels, ce monde intérieur, ce choc de couleurs et de formes, ce ~aestrulli de l’énergie incarné dans un tableau si la spiritualité ne dominait pas la faim de celui qui crée. Ce que me livre Baron-Renouard c’est à la fois le labyrinthe de sa puissance mentale à concevoir, sa capacité aux jeux calligraphiques, son sens cosmique, son amour de la matière et toujours – en nous invitant à participer au moment privilégiée la création – il nous dit une vérité essentielle nous ne sommes pas des hasards dans l’univers, des éphémères sans commencement et sans fin, une simple écume à la surface du temps. L’oeuvre de Baron-Renouarrd par sa cadence et ses rythmes, sa valeur mélodique, son harmonie dans le chaos, établit cette connivence supérieure, qui fait affleurer le signe de l’absolu dans les chaudrons du diable.

Bien des philosophes ont vainement cherché les preuves onthologiques de l’existence de Dieu; ils auraient du demander aux artistes les seules vérités qui nous soient accessibles la preuve que l’élan du génie de l’hOTL1l!1e est en accord avec la transcendance de tout ce qui est. L’oeuvre de Baron-Renouard irradie cette certitude qui transforme le hasard en ordre. Sa démarche qu’on dit abstraite est au contraire chargée des sucs de sa vie la plus haute. Elle se situe dans la logique des forces, des vérités profonde de la race, de la postérité, de l’amour et de la foi; elle nous apprend que nous ne sommes pas seuls, et qu’à travers nous, parle la longue lignée, de ceux qui nous ont voulu , et que nous devons exaucer. La peinture est le signe vivant de l’ancestrale humanité et la force signe de son devenir.

André PARINAUD, critique d’art
XXXVIIe salon national des armées, 28 aout-7 septembre, 1986