François Baron-Renouard a fait le choix pour un langage de son temps, en osmose avec l’authenticité d’une démarche formelle et poétique qui trouve des équivalences entre réel et imaginaire. L’art est invention comme la nature l’a été par le plus démiurge des géomètres. Comme nombre de peintres modernes depuis la révolution opérée par le cubisme, Baron-Renouard a réinventé la nature en ayant recours à une convergence des formes et des couleurs. Ainsi insuffle-t-il la vie à son tableau à travers un espace tactile et la lumière qu’il y projette. Construction et irradiation colorée sont les deux pôles autour desquels se construit l’œuvre de Baron-Renouard. Son sens approfondi d’une plénitude plastique, il l’a acquis auprès de ses maîtres Legueult et Brianchon du groupe de la Réalité Poétique, ainsi que de Desnoyer pour la densité de l’espace, à partir d’une synthèse entre rapports géométriques et diversité des valeurs sensorielles. Mais bien au de-là d’un héritage pictural qu’il maîtrise, il sait qu’il n’atteindra ce vers quoi il tend, qu’en représentant la réalité dans ce qu’elle a de « vrai ».
Pour Baron-Renouard cela se passe à travers ses expériences et un cheminement intérieur dans une relation particulière à la Nature. De la Bretagne au Japon, où il se rend régulièrement à partir de 1960, l’immensité spatiale trouve à se visualiser sur la toile. A aucun moment il ne s’agit d’imiter mais bien d’évoquer. Officier d’aviation pendant la dernière guerre, sa perception visuelle se féconde alors d’images inconnues de lui, mouvantes et sinueuses où alternent l’ombre et la lumière. Il lui faut saisir les apparences et les fondre dans un labyrinthe où les lignes, taches, larges étendues forment un réseau mêlant éléments liquides et solides dans une vision dynamique d’une absolue liberté. Chez Baron-Renouard, temps et espace se rejoignent dans une cadence rigoureusement architecturée. Ses qualités exceptionnelles de coloriste lui font exploiter une palette raffinée dont la richesse tonale des rouges, bleus, mauves, s’exalte d’un chromatisme flamboyant en contrepoint des gris, du noir et des blancs. Une saturation colorée qui ne cesse de se métamorphoser sous l’intervention de grattages, ponçages des couleurs aux allures de lave en fusion et en introduisant des matériaux étrangers sous forme de collage : tissu, papier qui provoquent des ruptures, des respirations, des ouvertures. Les signes peuvent se déchiffrer en autant de rochers ou d’archipels, montagnes et lacs, la vision cosmique de Baron-Renouard n’est là que pour l’exaltation mutuelle des formes et des couleurs dans un élan régénérateur. Sa peinture est celle d’un naturalisme dont le langage formel est issu de son sentiment poétique de la Nature.
Notes et références :
Auteur : Lydia Harambourg, historienne, critique d’art et écrivain, spécialiste de la peinture du XIXe et XXe siècle, auteur notamment de « L’École de Paris 1945-1965 : dictionnaire des peintres », Neuchâtel, Éd. Ides et Calendes, mai 2010 ( 1re éd. 1993 (ISBN 2-8258-0048-1)
Date : 1999